Au cours des dernières années, les entreprises accordent de plus en plus d’importance à une mission en particulier : rendre leurs employés heureux. Bien que le bonheur puisse sembler subjectif et spécifique à chaque employé, les experts l’ont résumé par le niveau d’enthousiasme, d’intérêt et de satisfaction.
Ce qui devient de plus en plus évident au chapitre du bonheur au travail, c’est que des entreprises seront désavantagées si elles ne font pas ce qui doit être fait, c’est-à-dire reconnaître la teneur du défi et développer une main-d’œuvre motivée et heureuse. Ces entreprises auront non seulement de la difficulté à conserver leur personnel, mais aussi à maintenir et même à accélérer leur productivité et faire croître leurs activités commerciales.
Des études ont montré que les employés plus heureux sont souvent plus motivés et, par le fait même, sont en moyenne 12 % plus productifs que les employés qui ne le sont pas. Si l’on compare cette « croissance de la productivité » à la prédiction de la croissance du PIB mondial de 3,1 % par la Banque mondiale en 2018, on constate que cette hausse de 12 % a de quoi surprendre.
En résumé, lorsque les gens possèdent une telle énergie, ils contribuent positivement aux objectifs de l’entreprise et à l’économie nationale.
De façon générale, le prix à payer pour un service est relié au bonheur et au sens que nous en retirons. Dans une série d’expériences menées par l’économiste comportemental Dan Ariely, se reportant à ce qu’il appelle la condition significative, il a constaté que même si les gens comprennent que le sens et le but sont importants, ils ne saisissent pas nécessairement l’ampleur de cette importance.
Dans le cadre des expériences d’Ariely, il était demandé aux gens d’effectuer certaines tâches, comme faire des constructions avec des legos, relire et corriger des documents et faire de l’origami, en échange d’une compensation. Selon ses conclusions, les gens s’attendaient à être payés deux fois plus pour accomplir des tâches qui n’étaient pas correctement reconnues ou valorisées. Autrement dit, s’ils croyaient que leur travail n’avait pas de sens, ils s’attendaient à être mieux payés pour le produit final.
Les entreprises savent pourquoi les employés heureux sont plus productifs et moins enclins à quitter leur poste : ils sentent que leur travail a un sens et qu’ils sont reconnus pour leur contribution. Par conséquent, cultiver le bonheur des employés est tout à fait logique d’un point de vue commercial.
Ce qui est souvent moins connu par contre, c’est la manière d’élaborer une stratégie pour s’assurer que les entreprises gardent leurs travailleurs motivés et satisfaits afin de stimuler la productivité.
L’énigme de la productivité
Les niveaux de productivité variant considérablement d’un pays à l’autre, il n’y a pas de réponse simple à la question de savoir comment trouver le bon équilibre en matière de productivité. En fin de compte, il faut adopter une approche propre à chaque entreprise. Il en va de même pour tous les employés d’une entreprise et nous devons explorer les moyens d’améliorer les pratiques professionnelles.
Par exemple, le pays le plus productif de l’OCDE est le Luxembourg, où la semaine de travail moyenne n’est que de 29 heures. Ce constat devrait nous faire sérieusement considérer l’idée, paradoxale, de la réduction de la charge de travail en tant que moyen de rendre les employés plus efficaces et plus productifs. Par contre, la situation exige une solution un peu plus compliquée que la simple réduction du temps de travail.
La Suède a mené une étude de deux ans sur le passage d’une journée de travail de huit heures à une de six heures chez les infirmières, et les premiers résultats ont été positifs : les infirmières prenaient moins de congés de maladie et moins de congés imprévus, les niveaux d’énergie étaient plus élevés et les patients se montraient satisfaits. Malheureusement, la réalité économique de la vie a refait surface lorsque l’étude a manqué de financement et le gouvernement a conclu qu’elle n’était pas assez convaincante, en fin de compte, parce qu’elle n’était pas viable économiquement.
D’autres entreprises du secteur privé ont lancé leurs propres modèles de la journée de six heures. Propriétaire d’une entreprise d’encre biologique, Erik Gatenholm y voyait un excellent moyen d’attirer des talents et, un mois plus tard, il abandonnait l’idée à cause des commentaires négatifs de ses employés. Il a été suggéré que même si ce modèle peut bien fonctionner dans un certain lieu de travail, comme dans un hôpital, où le personnel peut partir à la fin de son quart de travail, les employés évoluant dans des structures de travail différentes ont jugé cette pratique stressante. Pour eux, c’était tout comme « s’ils ne faisaient pas leurs devoirs ».
Nous pouvons en déduire que le sentiment de fierté et l’éthique de travail dictant aux employés de compléter leurs tâches l’emportent sur le désir d’une journée de travail réduite. La solution se trouve dans la meilleure manière de donner du sens au travail des employés.
La micro-économie du bonheur au travail
Bien qu’il ne puisse y avoir d’approche unique au bonheur au travail, les entreprises devraient tenir compte des six facteurs qui rendent les employés heureux et, donc, plus productifs. Ces facteurs ont été étudiés dans notre étude Les secrets des entreprises et des collaborateurs les plus épanouis : la bonne adéquation entre l’employé, l’emploi et l’entreprise ; un sentiment de responsabilisation ; la conscience d’être apprécié ; un travail intéressant et significatif ; le sentiment de justice et des relations de travail positives.
Pour mettre sur pied une main-d’œuvre heureuse, les entreprises doivent veiller à ce que ces facteurs se retrouvent dans leurs programmes, leurs politiques et leur culture, et encourager les managers à discuter avec les employés ouvertement des facteurs de motivation personnels qui leur sont propres.
Selon le Forum économique mondial, les gens sont plus susceptibles de trouver un sens à un travail si celui-ci a un effet positif sur les autres. Le moyen le plus simple pour les employeurs de favoriser cette prise de conscience chez leurs employés est de leur montrer comment leurs efforts contribuent à la réalisation des objectifs généraux de l’entreprise ou agissent pour le bien d’une communauté en particulier.
Tout commence par la création d’une culture d’entreprise dans laquelle l’engagement envers le bonheur des employés est central. Il faut notamment définir avec l’employé la trajectoire de sa carrière dès le départ et prendre le temps de comprendre ses principales motivations, valeurs et perspectives afin de trouver un moyen d’orienter son énergie vers la création d’un travail significatif.
En outre, plus une entreprise clarifie ses propres objectifs, plus elle aura de chances d’attirer et de développer des employés qui poursuivront ces mêmes objectifs. Par la suite, il faut faire un suivi assidu des objectifs et des buts de l’employé afin de pouvoir réaliser clairement où, pourquoi et comment il pourrait remettre en question la valeur de son travail.
Le développement d’une culture du bonheur a un effet majeur sur le moral du personnel et de l’entreprise dans son ensemble et sur les niveaux de satisfaction. Cela permet aux entreprises de rester compétitives et joue directement sur les résultats financiers.
Cette culture peut également renforcer à la fois la marque et la réputation d’une entreprise. Des employés heureux offrent un meilleur service à la clientèle, ce qui permet de saisir les occasions d’affaires actuelles et futures.
Dans le monde du travail d’aujourd’hui, où la charge de travail est lourde et où il y a pénurie de talents, les entreprises doivent se rappeler que la science du bonheur doit jouer un rôle central dans leur stratégie de croissance globale. Cela créera également un environnement dans lequel leurs employés ont hâte de venir travailler.