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Représentation des femmes aux postes de direction : où en sommes-nous et que nous réserve l’avenir ?

Conseils carrière Management et leadership Cadres supérieurs Article
En 2020, Robert Half Executive Search a établi le profil des CEO des sociétés du BEL20. Il en est ressorti que le CEO moyen d’une entreprise cotée en bourse était de nationalité belge, de sexe masculin et âgé de 56 ans. Bien qu’une brève recherche menée en 2024 ait déjà révélé une plus grande diversité au sein des conseils d’administration, les femmes restent encore sous-représentées dans les postes de direction, les conseils de direction et les conseils d’administration. Quelles en sont les raisons, de quelles solutions disposons-nous et quelles sont les attentes pour l’avenir ? Pour répondre à ces questions et explorer de nouveaux points de vue, nous avons présenté un certain nombre de déclarations à cinq femmes qui, de par leur fonction, sont étroitement impliquées dans les plus hautes sphères des entreprises : Ann Cattelain (CEO de Federgon), Daphné Debaenst (Co-Founder & Managing Director de House of Executives Belgium), Liesbeth De Ridder (Secretary General & Centre Family Business Governance chez GUBERNA), Veronique Elskens (Regional Director Executive Search Benelux chez Robert Half) et Gaëlle Helsmoortel (Chairwoman de Women On Board Belgium).
DÉCLARATION 1: La parité hommes-femmes est-elle uniquement possible lorsqu’elle est imposée par le haut, c’est-à-dire sur la base de quotas ? DE RIDDER : « En 2023, et pour la première fois dans l’histoire, toutes les sociétés belges cotées avaient au moins une femme dans leur conseil d’administration. C’est une étape importante, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous prônons le droit souple (NDLR : instruments juridiques qui ne sont pas ou difficilement imposables légalement, mais qui ont néanmoins un effet réglementaire) pour stimuler davantage l’évolution. Il existe par ailleurs un écart entre le nombre de femmes dans les conseils d’administration (37 %) et le management exécutif (17 %), écart qui peut être attribué au type de tâches impliquées dans les postes de direction. Celles-ci sont — à tort — davantage associées aux caractéristiques masculines, et sont donc plus souvent confiées aux hommes. » HELSMOORTEL : « Chez Women On Board, nous constatons que la Belgique figure parmi les meilleurs élèves en matière de représentation des femmes parmi les cadres. Il est évident que les quotas fonctionnent. Dès lors, si l’on veut renforcer davantage la parité hommes-femmes, il serait bon que cela vienne d’en haut. » CATTELAIN : « Je suis en principe contre les quotas, mais je ne nie pas leur efficacité. Je suis d’accord avec les propos de Liesbeth au sujet du droit souple. En Belgique, on dénombre déjà un certain nombre de femmes dirigeantes qui occupent des postes clés. Les modèles peuvent aider plus de femmes à accéder au sommet. » DEBAENST : « Je suis d’accord avec cela  : je suis convaincue qu’il faut donner l’exemple. Mais cela prend du temps, les quotas peuvent donc faire bouger les choses plus rapidement. » HELSMOORTEL : « Il est également important de mentionner dans ce contexte que les femmes réseautent moins, et de manière différente, que les hommes. Les organisations qui prétendent ne pas trouver de femmes pour leur conseil d’administration doivent faire des efforts et chercher au-delà des candidats habituels. Il y a suffisamment de femmes avec les compétences adéquates, mais on ne les trouve pas nécessairement toujours aux mêmes endroits que les hommes. » ELSKENS : « Les quotas peuvent aider à se concentrer sur le sujet de manière neutre et irréversible, mais j’aime aussi préconiser une croissance plus “organique” de la parité à travers d’autres initiatives qui ont un impact immédiat et qui permettent aux femmes d’évoluer avec une crédibilité naturelle vers des fonctions de haut niveau. »
DÉCLARATION 2 : Est-ce vraiment au gouvernement de déterminer quels profils devraient diriger une entreprise ? Le déséquilibre hommes-femmes ne serait-il pas dû au fait que les femmes sont moins intéressées par les postes de direction ? HELSMOORTEL : « Je ne pense pas que les femmes soient moins intéressées par les postes de direction, mais elles ont en effet des ambitions différentes. Je généralise peut-être, mais je pense que les femmes veulent d’abord avoir une valeur ajoutée et que de ce fait, qu’elles se hissent moins rapidement au sommet de l’organisation. Beaucoup de femmes font passer l’intérêt de l’entreprise avant leur propre intérêt. » ELSKENS : « Je pense aussi que la motivation des hommes est fondamentalement différente de celle des femmes. Alors que les hommes ont tendance à se concentrer sur les actes et les résultats, les femmes veulent davantage faire une différence et avoir un impact à long terme sur l’entreprise. Il semble qu’avec cet état d’esprit, elles parviennent moins bien à exprimer leur motivation et à occuper un poste de direction. » CATTELAIN : « Je suis le raisonnement selon lequel les femmes se préoccupent davantage des valeurs et moins de leur image de marque personnelle. En conséquence, elles sont moins susceptibles de poser leur candidature à des postes pour lesquels elles n’ont peut-être pas toutes les compétences requises, contrairement aux hommes. » DEBAENST : « Les femmes doivent oser se montrer davantage. Lorsque je recherche des orateurs pour les conférences que j’organise, je m’efforce toujours de trouver un équilibre entre les hommes et les femmes. Néanmoins, je tombe systématiquement plus rapidement sur des hommes : ils sont tout simplement plus faciles à trouver. En conséquence, sur le long terme, ce sont toujours les mêmes personnes qui sont répertoriées en tant qu’experts, et qui sont ainsi de plus en plus demandées. Mais je vois malgré tout une évolution positive : la jeune génération de femmes ose plus vite se montrer, autant en interne dans l’entreprise que dans le monde extérieur. » CATTELAIN : « Je pense que la sous-représentation des femmes est également liée à leur manière de réseauter. Les événements de réseautage attirent toujours un public majoritairement masculin. Les femmes veulent y consacrer moins d’énergie et fixent souvent des priorités différentes. Elles disposent donc de moins de réseaux, et donc moins de choix pour les fonctions dirigeantes. Les agences de recrutement de cadres peuvent jouer un rôle majeur en changeant la donne et en y recherchant les nombreuses femmes compétentes. »
DÉCLARATION 3 : L’enquête de McKinsey (Women in the workplace, 2023) indique que le principal obstacle pour les femmes n’est pas le plafond de verre, mais bien la première étape entre professionnel et dirigeant. Devrions-nous d’abord lutter pour la parité hommes-femmes au niveau de l’encadrement intermédiaire afin de permettre aux femmes de progresser seules vers les niveaux supérieurs ? ELSKENS : « Les entreprises ont la grande responsabilité de suivre la progression de leurs collaborateurs vers une fonction dirigeante. Plus elles le font en fonction des bons paramètres, plus les chances que les femmes se retrouvent au sommet de l’organisation sont grandes. Ce que j’ai remarqué et retenu dans le rapport de McKinsey, c’est que les femmes doivent encore très souvent faire face à des microagressions (NDLR : petites remarques verbales ou non verbales, basées sur des présomptions implicites, qui peuvent non seulement être vécues comme offensantes ou insultantes, mais qui perpétuent également indirectement les stéréotypes et les inégalités) au travail. Les femmes qui subissent des microagressions ont beaucoup moins de chances de se sentir psychologiquement en sécurité, ce qui complique la prise de risques, la proposition de nouvelles idées ou l’expression de préoccupations. Heureusement, je remarque que les jeunes générations sont plus conscientes de leurs forces en tant que femmes et osent s’y opposer. » DEBAENST : « Aujourd’hui, je vois des jeunes femmes franchir plus rapidement le pas vers le leadership. Parce qu’elles ont grandi et ont été éduquées dans une culture prônant l’égalité, elles ont un autre état d’esprit et ne se laissent pas aussi facilement mettre sur la touche. » HELSMOORTEL : « De nombreuses jeunes femmes passionnées participent à notre programme “Women On Track”. Quand je les vois, j’en suis convaincue : il y a encore beaucoup de place pour les femmes dans les hautes sphères. » DE RIDDER : « La génération qui arrive est en effet différente. Je vois beaucoup de femmes entrepreneurs dans les entreprises familiales qui commencent à se professionnaliser à un jeune âge. Cet afflux croissant au bas de l’échelle donne beaucoup de confiance pour l’avenir. » DEBAENST : « L’attention croissante portée à la gestion des talents et à la mobilité interne dans les entreprises est également encourageante. Cela peut certainement aider les talents à évoluer, indépendamment de leur sexe. »
DÉCLARATION 4 : Les soft skills sont de plus en plus importantes au niveau de la direction. Cela peut-il contribuer à accroître le nombre de femmes dans les conseils d’administration et les organes de gestion ? DE RIDDER : « Des études montrent que les femmes ont plus de soft skills et sont plus engagées dans les sujets liés à la RSE, qui sont très importants aujourd’hui. Néanmoins, je suis convaincue que la personnalité joue grandement au moment d’accéder, ou non, aux niveaux de direction. Il existe des hommes “plus doux” et des femmes “plus dures”. Il va de soi que c’est une bonne chose que l’on accorde davantage d’attention aux soft skills au niveau de la direction. À mon avis, cela a plus à voir avec l’évolution des générations qu’avec le genre. » HELSMOORTEL : « Les soft skills, telles que le leadership authentique et empathique, sont en effet de plus en plus importantes, en particulier avec la numérisation croissante et l’essor de l’IA. Et ce sont en effet des caractéristiques typiquement associées aux femmes. Mais je ne suis vraiment pas certaine que toutes les entreprises y accordent suffisamment d’attention au niveau de la direction et si cela conduira automatiquement à accroître le nombre de femmes aux postes de direction. Dans de nombreuses organisations, les résultats restent la priorité. Toutes s’impliquent dans la RSE, mais souvent par obligation. » ELSKENS : « Peut-être devrions-nous nous demander si nous examinerons les résultats de la même manière dans une dizaine d’années. Les performances seront-elles dès lors plus axée sur la valeur, une approche à laquelle les femmes pourront mieux s’identifier ? Il est également important dans cette démarche qu’il y ait un équilibre entre les compétences techniques et les soft skills, entre les hommes et les femmes. Rien n’est tout noir ou tout blanc. »
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Pour terminer, quel conseil donneriez-vous aux femmes qui aspirent à un poste de direction ? CATTELAIN : « Soyez conscientes de vos forces, croyez en vous et osez franchir le pas. N’ayez pas peur d’accepter un poste, même si vous pensez ne pas répondre à tous les critères. » HELSMOORTEL : « Au-dessus de mon bureau se trouve une citation de l’actrice britannique Emma Watson : “If not me, who ? If not now, when?” Cette citation est ma source d’inspiration et de motivation. Si vous voulez quelque chose, allez-y : foncez ! » DE RIDDER : « Tout a déjà été fait, mais pas encore maintenant et pas encore par vous. Je pense que c’est une très belle citation. C’est tellement important de faire les choses à sa manière. Et voici un autre conseil en or : sachez reconnaître les hommes qui vous cherchent à vous donner votre chance. » DEBAENST : « Le conseil que j’aimerais donner aux femmes est le suivant : vous devez vous créer des opportunités et les saisir. Soyez patientes dans vos efforts et n’abandonnez pas trop vite. La persévérance porte ses fruits. » ELSKENS : « Faites confiance à votre intuition. Restez vous-même et authentique, sinon vous vous décevrez vous-même et les autres. Discutez-en aussi avec des hommes, car eux aussi doutent d’eux-mêmes. »